Extraits du
Dossier
Évolution des métiers de la santé : coopérations entre
professionnels. Revue adsp n° 70, mars 2010.
Les pratiques avancées des professionnels paramédicaux en
Ile-de-France
Ljiljana Jovic. Directeur des soins, conseillère technique régionale, Drass Ile-de-France
Ljiljana Jovic. Directeur des soins, conseillère technique régionale, Drass Ile-de-France
Le profil du professionnel ayant une pratique avancée :
données de l'étude régionale
Les données recueillies par l’enquête permettent d’établir
un profil « type » du professionnel paramédical ayant des pratiques avancées.
Certaines caractéristiques doivent être nuancées car elles correspondent à un nombre
restreint de professionnels.
Les caractéristiques des professionnels sont : un exercice
avec le diplôme initial en tant que salarié dans le secteur public ou privé,
une ancienneté et une expérience dans des activités cliniques allant de dix à trente
ans depuis l’obtention du diplôme professionnel.
Les formations complémentaires, quand elles existent, sont
représentées par des diplômes d’université (DU) en lien avec la pratique, de la
formation continue dans les domaines relatifs à la pathologie ou le problème de
santé principal (diabète, addiction, plaies…) et/ou la prise en charge de la
douleur et/ou l’éducation thérapeutique.
Les moyens d’information, de maintien et de développement des
compétences sont la lecture de revues françaises généralistes et/ou
spécialisées, des échanges avec les pairs dans le milieu de travail, des
participations à des congrès et journées thématiques.
Le champ de pratique s’inscrit dans les domaines d’intervention
par ordre de priorité tel qu’apparu dans l’enquête : 1. a) conseil, b) soin ;
2. a) encadrement de stagiaires, b) enseignement ; 3. a) communications, b)
études, c) publications, d) recherches. Les destinataires des interventions
sont les malades et les pairs.
Le temps consacré à la pratique avancée est inférieur à dix demi-journées par mois.
La formalisation et l’organisation de l’activité relative à
la pratique avancée porte sur l’accueil des malades de façon programmée et non
programmée, soit avec ou sans rendez-vous ; l’itinéraire du malade comporte la
traçabilité du rendez-vous et des soins, les supports éducatifs pour les patients.
Les aspects organisationnels et logistiques montrent que les
professionnels disposent de locaux identifiés pour la réalisation des soins aux
malades, de bureautique avec accès Internet et ligne téléphonique spécifique, de
plages de temps dédiées à l’activité.
Les perspectives se rapportant aux souhaits de développement
des pratiques avancées sont : la reconnaissance de la pratique (formation,
titre…), les modes de pratique (consultations…), la rémunération. Les opportunités
reposent sur les compétences et la reconnaissance professionnelle
(professionnalisation des prises en charge, autonomie, formation universitaire,
recherche…), le contexte est qualifié de favorable.
Les freins sont liés aux compétences et à la reconnaissance professionnelle
(manque ou difficultés d’accès à des formations, manque de reconnaissance des
formations, incapacité des institutions à reconnaître les professionnels ayant
des pratiques avancées…), les moyens humains.
Ce profil type met en évidence que toutes les
caractéristiques comparées aux données de la littérature sont présentes à des
degrés divers. Cependant, si les critères de possession de diplôme d’exercice
professionnel et de durée d’expérience sont présents, les domaines d’activité sont
tous investis mais de façon variable, le niveau de formation post diplôme
initial est relativement éloigné des préconisations internationales. Ainsi, l’implication
dans la pratique est clairement établie, mais elle est moins évidente pour le
maintien et le développement des connaissances théoriques et leur ancrage dans
les résultats de recherche.
Généralement, les pratiques relèvent de parcours personnels,
construits au gré des opportunités, des besoins locaux, des possibilités
offertes et de la volonté d’individus.
À l’heure de la réorganisation des soins dans les
territoires : comment sortir du poids de l’histoire ? Dominique Le Bœuf. Présidente du Conseil national
de l’Ordre des infirmiers.
La prise en charge des patients peut-elle se réduire à un
inventaire « protocolisé » des activités de chacun, dans une organisation digne
de Taylor ? Peut-on « saucissonner » les éléments de la prise en charge du
patient, en continuant à faire travailler les professionnels à la chaîne ?
Ces visions dépassées freinent aujourd’hui toute évolution
de la profession infirmière.
Elles vouent essentiellement l’infirmier, contrairement aux
évolutions des autres pays européens :
- à « boucher des trous » pour pallier les défauts
d’organisation du système de santé, « le manque de coordination », sans jamais
évoquer la nécessaire expertise clinique et médicale ;
- à remédier à des insuffisances (alléguées mais encore à
démontrer) des coopérations entres les différentes professions, sans jamais
mettre à profit l’ensemble des compétences infirmières, notamment en matière de
prévention, de coordination, d’évaluation globale des besoins de santé,
d’éducation thérapeutique. Pourtant, paradoxalement, ces compétences sont déjà
bien inscrites dans les dispositions réglementant la profession (art. R.
4311-15 du CSP).
À ce jour, le ministère de la Santé n’a jamais entrepris
d’observation des pratiques infirmières, ni en milieu hospitalier ni en ville,
se cantonnant à une analyse sociologique du métier d’infirmier libéral, qui
déplore d’ailleurs dans son préambule : « le manque encore parfois criant de
précision dans la connaissance des contours mêmes de ce métier ».
La réingénierie du diplôme d’État d’infirmier a été
effectuée sans aucune analyse préalable des évolutions desdites pratiques.
Or, dans la plupart des autres pays avancés, les évolutions
ont été accompagnées de longue date par les organisations professionnelles
légitimes les plus compétentes que sont les sociétés savantes ou les
institutions ordinales.
Cette approche permettrait de revisiter les expertises soignantes
de chacun des corps professionnels engagés dans les prises en charge, voire de
découvrir des trésors d’évolution possibles dans le champ réglementaire
existant. Et cela, sans s’arrêter à des susceptibilités de préséance entre les
professions et les activités, mais plutôt en se centrant sur le patient et son
parcours.
Une telle démarche a aussi permis de nourrir de grandes
réformes des systèmes de santé nationaux, au plus près des besoins spécifiques
de soins.
La question est donc de savoir si les besoins de santé des
patients, que les infirmiers prennent en charge au quotidien, peuvent se
contenter d’un avenir de la profession strictement conditionné par le poids de
l’histoire et la place symbolique qu’elle occupe encore dans la politique de
santé.
Les coopérations entre médecins et autres professionnels de
santé : quelques aspects appliqués d’éthique et de déontologie. Dr Jacques Lucas. Vice-président de Conseil national de l’Ordre des médecins.
La loi récente portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires consacre un article spécifique à ces coopérations. Bien plus, le tissu de la loi est imprégné par l’idée d’une structuration de ces coopérations lorsqu’il instaure le médecin de premier recours, lorsqu’il trace l’organisation de maisons pluridisciplinaire et pluriprofessionnelles, lorsqu’il crée les communautés hospitalières de territoires et les groupements de coopération sanitaires, lorsqu’il aborde l’éducation thérapeutique et la prévention au-delà des seules compétences médicales…
Dans le même temps, lorsque l’on écoute les jeunes médecins
et les jeunes autres professionnels de santé, la structuration de ces coopérations
est activement recherchée afin de permettre des exercices coordonnés et de
recentrer les activités sur les « coeurs de métiers ». Coopération : cela ne
signifie ni transfert de compétences ni délégation de tâches, que ce soit entre
les médecins ou avec les autres professionnels de santé. Il s’agit plutôt d’un
partage, d’une mise en commun, d’un croisement des compétences des uns et des
autres au service de la qualité des soins et d’une meilleure organisation des
activités des professionnels.
En exprimant son point de vue, l’Ordre des médecins ne
cherche qu’à apporter des éléments à la réflexion collective de la profession
afin qu’elle puisse trouver elle-même les formes organisationnelles les mieux
adaptées à la prise en charge des patients, et permettre ainsi à la puissance
publique comme aux organismes de protection sociale de prendre les dispositions
que les praticiens jugent conformes à la qualité de l’exercice de leur art.
Il ne s’agit nullement de fixer une doctrine exclusive. La
démarche de l’Ordre des médecins se veut simplement proactive et facilitatrice
: c’est, de toute évidence, le patient qui doit être le pivot du système de
santé.
Dossier en ligne.
Dossier en ligne.
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Philippe Delmas, docteur en soins infirmiers livre au journaliste Serge Canasse sa vision de la profession infirmière sur le site infirmiers.com.
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Lettre ouverte aux acteurs de l’éducation thérapeutique du patient (mars 2008)
La
Haute Autorité de santé (HAS) et l’Institut national de prévention et
d’éducation pour la santé (INPES) ont publié en 2007 un guide méthodologique
intitulé « Structuration d’un programme d’éducation thérapeutique du
patient dans le champ des maladies chroniques ». Ce guide est assorti de
trois fiches de recommandations professionnelles, signées de la seule
HAS. Par la présente lettre ouverte, nous souhaitons exprimer
publiquement nos réserves quant au contenu de ces documents.
Impliqués
depuis de nombreuses années dans le soutien au développement de
l’éducation thérapeutique, à travers nos pratiques professionnelles et
nos travaux respectifs de formation et de recherche, nous nous sommes
d’abord réjouis à l’annonce de l’initiative prise par la HAS et l’INPES
de rédiger des recommandations dans ce domaine, qui plus est en
privilégiant un abord transversal, commun à toutes les maladies
chroniques, plutôt qu’une approche spécifique pour chaque pathologie.
Cette publication devait répondre à un besoin exprimé par tous les
professionnels qui œuvrent dans ce champ, tant en ville qu’à l’hôpital.
Certains d’entre nous ont d’ailleurs contribué à l’élaboration du guide
méthodologique, par leur participation aux groupes de travail ou de
lecture. Ils ont ensuite refusé que leur nom figure sur le document
parce qu’ils étaient en désaccord avec la version finale. D’autres n’ont
eu connaissance du document qu’après sa diffusion et le désapprouvent
également. Cela mérite quelques explications.
Nous sommes
en désaccord avec ces publications parce qu’elles ne mettent en évidence
qu’une partie de la problématique des personnes atteintes de maladie
chronique et ne proposent, en réponse, qu’un seul modèle d’éducation
thérapeutique.
Au plan théorique, des recommandations émises
par la HAS devraient reposer sur un argumentaire solidement étayé. Or
l’analyse critique des données actuellement disponibles n’apparaît pas,
du fait de la référence quasi exclusive à la pédagogie et aux théories
de l’apprentissage. Les écrits émanant de disciplines telles que la
psychologie de la santé, la psychologie sociale, l’anthropologie,
l’ethnologie, la communication, l’éducation pour la santé la sociologie
ou la philosophie ont été ignorés. A titre d’exemple, les questions
éthiques, la relation soignant/soigné, les notions d’accompagnement,
d’empowerment ou de counseling ne sont qu’effleurées voire absentes du
document alors qu’elles occupent une place importante dans la
littérature relative à l’éducation du patient depuis une dizaine
d’années au moins. Plus encore, certaines de ces notions sont
interprétées de manière restrictive et inadéquate avec les fondements
éthiques de l’éducation thérapeutique.
Au plan pratique,
un seul modèle d’éducation thérapeutique est présenté, fondé sur
l’enchaînement d’un diagnostic éducatif réalisé par les professionnels,
d’un programme d’apprentissage et d’une évaluation des compétences
acquises par le patient. Ce modèle n’est pas le seul utilisable en
pratique professionnelle et il n’est pas toujours adapté, compte tenu de
la diversité des patients et des situations. Il ne reflète pas les
différentes démarches éducatives existantes, notamment précisées par
l’Organisation mondiale de la santé en 1998. En particulier, les
dimensions psychologiques et sociales, qui sont des éléments
constitutifs de la santé et de l’éducation, n’apparaissent ici que sous
la forme de compétences à acquérir par le patient, ce qui est
extrêmement réducteur. Si l’ambition de l’éducation thérapeutique est
d’accroître l’autonomie du patient et sa qualité de vie avec la maladie,
les moyens d’y parvenir ne peuvent être définis que conjointement par
le patient et les soignants. Cela nécessite une approche ouverte : les
soignants doivent, avant tout, apprendre à écouter les préoccupations et
les aspirations du patient, de façon non sélective, et convenir avec
lui des modalités de traitement et d’accompagnement les mieux adaptées.
La démarche éducative ne peut pas se réduire à la mise en place de
séquences pédagogiques.
Par ailleurs, si l’éducation
thérapeutique « fait partie intégrante et de façon permanente de la
prise en charge du patient », comme cela est préconisé par
l’Organisation mondiale de la santé et mentionné à la page 8 du
document de la HAS, pourquoi ne serait-elle mise en œuvre que par
périodes (programme initial, séances de renforcement ou de reprise) ?
Pourquoi faudrait-il convaincre le patient d’y participer ? Et que se
passerait-il s’il refusait de le faire ? Si le patient vient consulter
un professionnel formé à l’éducation thérapeutique, il devrait
nécessairement en bénéficier de la même façon qu’il bénéficie par
exemple d’une prise en charge médicale ou de soins infirmiers
appropriés. Le « programme » est alors un ensemble cohérent d’activités
mises en œuvre de façon continue. L’éducation thérapeutique n’est pas un
traitement que l’on prescrit, ni une vaccination avec des injections de
rappel.
En présentant un modèle unique, les recommandations de
la HAS occultent d’autres cadres de compréhension des personnes malades
et d’autres façons de pratiquer l’éducation thérapeutique. Elles
risquent ainsi de rendre difficiles des expérimentations qui
n’entreraient pas dans ce cadre et qui seraient pourtant nécessaires si
l’on veut résoudre les problèmes auxquels le cadre proposé n’apporte pas
de solution (l’approche des publics socialement fragilisés par
exemple). Emanant de la HAS, ces recommandations risquent de faire
autorité dans les milieux de santé français, voire francophones. Elles
risquent ainsi de mettre en danger le travail de certaines équipes qui
ne pourront plus se réclamer de l’éducation thérapeutique du patient.
Elles risquent également de favoriser le développement d’actions toutes
conçues sur le même modèle, modèle dont les limites sont pourtant déjà
connues.
Nous souhaitons que ce document soit reconnu pour ce
qu’il est : une synthèse intéressante et utile des apports de la
pédagogie à l’éducation thérapeutique. Nous souhaitons que d’autres
recommandations viennent compléter ce premier travail, intégrant les
apports d’autres disciplines, prenant en compte d’autres façons de
pratiquer l’éducation thérapeutique et proposant d’autres modes de
compréhension et d’accompagnement des personnes atteintes de maladie
chronique. Nous sommes bien sûr volontaires pour contribuer à leur
élaboration.
Nous invitons les personnes que le guide
méthodologique et les recommandations de la HAS interpellent ou
préoccupent à nous faire part de leur point de vue, à enrichir le débat
et à diffuser largement cette lettre ouverte.
Isabelle Aujoulat Docteur en santé publique, enseignant chercheur en éducation du patient.
Maryvette Balcou-Debussche Docteur en sciences de l’éducation, responsable du DU en éducation du patient à La Réunion.
Eric Bertin Professeur de nutrition, praticien hospitalier, co-responsable du DIU Amiens/Reims "De l’éducation du patient à l’alliance thérapeutique".
Alain Deccache
Professeur de santé publique, Responsable de l’unité d’éducation pour
la santé et éducation du patient, Université catholique de Louvain.
Claudie Haxaire
Pharmacienne, maître de conférences en anthropologie médicale,
co-organisatrice du DU "De l’information à l’alliance thérapeutique", à
Brest.
Anne Lacroix Psychologue clinicienne, formatrice en éducation du patient.
Jean-Daniel Lalau
Professeur de nutrition, praticien hospitalier, co-responsable du DIU
Amiens/Reims "De l’éducation du patient à l’alliance thérapeutique".
France Libion Infirmière, enseignant chercheur en éducation du patient.
François Martin Pneumologue, praticien hospitalier, responsable pédagogique du DU en éducation thérapeutique à Tours.
Julie Pelicand Médecin de santé publique, enseignant chercheur en éducation du patient.
Alfred Penfornis Professeur d’endocrinologie, praticien hospitalier, responsable pédagogique du DU en éducation thérapeutique à Besançon.
Brigitte Sandrin Berthon Médecin de santé publique, formatrice en éducation du patient.
Claude Terral Maître de conférences, praticien hospitalier, responsable du DU en éducation du patient à Montpellier.
Cécile Zimmermann Diabétologue, praticien hospitalier, formatrice en éducation du patient.
(1) Organisation mondiale de la santé. Bureau régional pour l’Europe.
Education thérapeutique du patient.. Programmes de formation continue
pour professionnels de soins dans le domaine de la prévention des
maladies chroniques. Copenhague, 1998
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